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rapport de la CIMADE 2009

centre de rétention administrative de BORDEAUX

2 novembre 2009

Le centre de rétention administrative (CRA) de Bordeaux a fermé suite à un incendie qui s’est produit, lundi 19 janvier 2009 entre 20h et 20h30. Au moment des faits, douze personnes en situation irrégulière y étaient retenues. D’après leurs témoignages, que La Cimade a recueillis, la fumée a commencé à envahir l’intégralité de la zone de vie. Aucun système d’alarme n’a été déclenché. Quelques personnes retenues ont battu le rappel afin que tous évacuent leur chambre. Elles ont frappé sur les portes pour prévenir les policiers de garde. En vain : les policiers ne seraient intervenus que 20 ou 25 minutes après que l’alerte ait été donnée. À peine vêtues, les personnes retenues se sont alors dirigées vers la cour intérieure du CRA, dont la seule issue est le filet grillagé qui lui sert de toit.

Après avoir patienté plusieurs heures dehors, sous la pluie, et alors qu’ils étaient toujours aussi peu habillés, les étrangers ont été conduits dans le réfectoire, au premier étage du commis- sariat de police, où ils ont été menottés aux chaises. Trois retenus (et une policier) auraient été brièvement hospitalisés pour avoir inhalé de la fumée. Deux chambres ont entièrement brûlé et le reste du centre a été recouvert de suie.

Dix personnes ont été transférées, sans leurs affaires, au centre de rétention de Toulouse-Cornebarrieu où elles sont arrivées mardi 20 janvier, à 5h du matin. Deux personnes, soupçonnées par la police d’avoir mis le feu “à des papiers”, ont été placées en garde à vue. Quels sont les indices qui ont amené à cette décision alors que les policiers n’étaient, semble-t-il, pas sur place lorsque le feu s’est déclaré ? Mardi 20 janvier, de source policière, on ne savait toujours pas si l’incendie était d’origine accidentelle ou criminelle.

Conditions matérielles de rétention

Situé dans les sous-sols du commissariat de Mériadeck, le centre de rétention de Bordeaux est constitué de deux secteurs, dans lesquels les personnes retenues peuvent cir- culer. La porte de communication de ces deux secteurs reste ouverte, sauf si le petit secteur n’est pas utilisé. Les personnes retenues ont un libre accès à l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations (Anaem), au service médical (grâce à une porte qui donne directement sur le petit secteur et que les infirmiers utilisent depuis 2007) et à La Cimade. L’accès à la petite cour intérieure grillagée est désormais libre en 2008 suite à l’interdiction de fumer dans les locaux. Elle reste ouverte 24h sur 24.

Les personnes retenues partagent une chambre à quatre. Les affaires personnelles sont laissées à la bagagerie et les personnes doivent demander à la police pour avoir accès à leurs vêtements. Un lave linge et un sèche linge sont disponibles et sont situés dans la bagagerie. Il n’y a pas de local pour les visites des proches. Les personnes les voient dans les chambres, dans la cour, ou dans la pièce commune. La seule occupation possible est de regarder la télévision, il y en a une dans chaque secteur. Lorsque le centre est occupé par 24 personnes, on manque vite d’espace. Les repas sont servis à la grille, qui sépare la zone de vie des services de police, et non dans les pièces communes comme le préconisent les infirmiers. En 2008, un haut parleur a été installé dans le centre. Cela permet aux policiers de ne plus rentrer dans le centre mais d’appeler les retenus qui doivent se présenter à la grille.

Conditions d’exercice des droits patienter pour accéder au CRA.

À Bordeaux, la plupart des interpellations se déroulent sur des lieux définis suite à des réquisitions du procureur ou à la gare Saint-Jean. Lorsque les personnes sont placées au centre, il arrive qu’elles ne soient pas en possession des copies qui devraient leur être remises (mesure d’éloignement, notification des droits, placement en rétention). Ceci arrive souvent le week-end. Les bénévoles de La Cimade intervenant le week-end signalent qu’il est difficile d’avoir accès à ces documents : les policiers en charge du CRA sont détachés du dépôt et ne connaissent pas le fonctionnement du centre.

Concernant la notification des droits en rétention, les personnes retenues se plaignent souvent d’avoir dû signer le document très vite sans vraiment le comprendre, parce que l’interprète n’a pas pris le temps, parce que les policiers demandent de le signer rapidement. La connaissance des droits en rétention n’est pas toujours effective pour tous et bien souvent les personnes ignorent qu’elles ont la possibilité de faire une demande d’asile depuis le centre.

En 2008, les policiers ont remis quasi systématiquement aux personnes les convocations pour se rendre au tribunal. Par contre, concernant l’information sur les départs, cela s’est

fait beaucoup moins systématiquement et une dégradation de la situation est à noter. Toutes les personnes considérées comme “fragiles” par la police n’étaient pas informées de leur départ, même les personnes souhaitant repartir. Les escortes venaient donc les chercher au dernier moment, en pleine journée ou en pleine nuit. Les départs n’étaient pratiquement plus affichés sur le tableau dans le bureau des policiers où La Cimade et le service infirmier ont normalement accès mais plutôt indiqués sous formes de signes.

Comme une volonté avérée de la part des policiers de ne pas transmettre ces informations à La Cimade ou encore au service médical… Ceci a été particulièrement gênant pour l’équipe médicale qui, dans plusieurs situations, n’a pas pu faire correctement son travail en donnant son traitement à la personne éloignée ou libérée. Gênant également pour La Cimade qui n’a pas pu communiquer à certaines personnes les renseignements nécessaires pour les aider à leur sortie de la rétention. Et surtout dramatique pour les personnes retenues souvent embarquées sans avoir pu se préparer ou réunir leurs affaires.

Conditions d’exercice de la mission de La Cimade

Le bureau de La Cimade est situé dans la zone de vie des personnes retenues. Ainsi, elles ont un accès direct à notre bureau. Pour nous rendre au centre de rétention, nous sonnons à la porte du CRA, un policier ouvre puis, nous ouvre encore les grilles pour accéder à la zone de vie. Les bénévoles rencontrent plus de difficultés car ils n’ont pas de badge pour prendre l’ascenseur. Ils doivent donc davantage patienter pour accéder au CRA.

Au mois d’avril, La Cimade a pu à nouveau avoir une clé pour ouvrir le bureau Cimade et ainsi moins dépendre des policiers. Cette clé nous la demandons lors de notre arrivée et nous la restituons à notre départ. Pour sortir, nous devons appeler un agent de police pour se faire ouvrir la grille. En fonction du fonctionnaire de police, l’attente sera plus ou moins longue. Un bénévole a ainsi attendu plus de 20 minutes que l’agent de police veuille bien lui ouvrir la grille. Certains policiers intervenant le week-end ne connaissent pas l’action de La Cimade et un jour le bénévole a été fouillé avant de pouvoir entrer dans le centre. La Cimade n’a pas accès au dossier des personnes mais uniquement à la mesure d’éloignement, à la notification des droits en réten tion et au placement en rétention.

Les demandes de stages et de formations de bénévoles sont toutes acceptées par le chef de centre : depuis le début de l’année, une étudiante en 5ème année à l’IEP (Institut d’études politiques) de Bordeaux, une étudiante en master 2 de droit et une étudiante en 2ème année de l’école d’avocat de Bordeaux ont pu faire un stage au CRA. L’équipe des bénévoles a été également renforcée par l’arrivée d’une quatrième bénévole. Pendant le mois d’août, les bénévoles se sont relayés pour assurer les permanences de La Cimade.

2008 a été une année particulièrement difficile pour ce qui est des relations avec la police. Il faut faire une différence entre les responsables du CRA et l’équipe des policiers en charge du centre. Il s’agit ici des relations avec l’équipe en poste au centre de rétention. Les responsables du centre et en particulier le chef de centre sont toujours venus en soutien de La Cimade, reconnaissant l’importance de sa mission. Les relations avec les services de police se sont dégradées en 2008 : sans que nous en connaissions la cause, la communication avec l’équipe des policiers s’est faite de plus en plus difficile, il était aussi de plus en plus difficile d’obtenir des renseignements. Finalement, un membre de l’équipe des policiers est venu expliquer à La Cimade que leur comportement était dû à une rumeur qui laissait entendre que La Cimade aurait communiqué avec la presse sur une affaire datant de 2007. Au mois de mai 2008, La Cimade a demandé à un agent de police de bien vouloir frapper à la porte du bureau avant d’entrer. En retour l’équipe des policiers a fait bloc et interdit à La Cimade l’accès aux toilettes ainsi qu’à leur bureau. Il a fallu 15 jours et l’intervention du chef de centre pour que les choses rentrent dans l’ordre. Pendant ce laps de temps, La Cimade n’a pas pu remplir correctement sa mission car nous n’avions plus accès aux informations. Les relations ont été très tendues puis se sont apaisées mais une scission est apparue dans l’équipe des policiers.

Les autres intervenants en rétention

services de police

Deux équipes interviennent au centre de rétention : l’équipe de la semaine et celle du week-end qui dépend de la garde à vue. Tout au long de l’année nous (Cimade et autres intervenants extérieurs) avons pu être les témoins de vives tensions entre les différentes équipes ; des tensions entre l’équipe de la semaine et celle du week-end, des tensions au sein même de l’équipe intervenant en semaine. Dans l’équipe en charge du CRA durant la semaine, il y a les policiers plutôt favorables au dialogue avec les personnes retenues et ceux pour qui le dialogue et les menus services (donner un café, se rendre à la grille lorsqu’une personne appelle, donner du feu pour allumer une cigarette, etc.) ne rentrent pas dans leurs fonctions de policier. Le comporte- ment de certains policiers vis-à-vis des retenus est intolérable. Le ton employé pour s’adresser aux personnes est méchant, voire haineux, tout est fait pour faire “craquer” les personnes. Tous les policiers cependant sont d’accord sur le fait qu’ils sont en sous-effectif pour remplir leur mission au centre de rétention.

service médical

Le service médical est présent au centre tous les jours de l’année, de 9h30 à 17h. En dehors de ces horaires, les personnes doivent être conduites au service des urgences de l’hôpital Saint-André. Grâce à l’initiative de l’infirmier de rendre possible l’accès à l’infirmerie par une porte donnant sur le petit secteur, l’accès au service médical s’est nettement amélioré ; les personnes retenues ayant désormais un accès direct à l’infirmerie. Le service médical assure une bonne prise en charge des personnes malades. Le médecin du CRA saisit le médecin-inspecteur de santé publique (MISP) dès que l’état de santé d’une personne nécessite qu’il bénéficie de soins en France. En règle générale la préfecture suit l’avis du MISP mais ce dernier tarde parfois à répondre et ne suis pas toujours les avis du médecin du centre.

Le service médical à Bordeaux est proche des personnes retenues et passe beaucoup de temps avec elles. Disposant d’une cafetière, quasiment tous les jours les infirmiers préparent du café et vont en proposer aux personnes dans le centre.

En 2008 les infirmiers témoignent qu’ils ont, plus que les années précédentes, pris en charge des personnes retenues suite au mauvais comportement de policiers. Le lien entre le service médical et La Cimade se fait quotidiennement afin de faire le point sur la situation des personnes retenues.

anaem

En 2007, l’Anaem avait mis en place des permanences le samedi matin, mais n’a pas poursuivi cette pratique en 2008. Ceci est regrettable car lorsqu’il y a une demande, ce sont souvent les infirmiers du centre qui prennent le relais.

Il est arrivé que l’Anaem n’assure pas de permanence le ven dredi, cela a suscité quelques tensions avec des retenus. Cependant, en 2008, les intervenants de l’Anaem ont été davantage présents dans le centre et ont assuré le suivi de toutes les personnes retenues. Le lien entre l’Anaem et La Cimade se fait facilement, chaque fois que cela est nécessaire.

Un bémol toutefois, les intervenants ont demandé à faire installer une caméra de surveillance dans leur bureau et certaines de leurs missions sont limitées : 150 euros maximum pour les mandats, pas de récupération de bagage hors du département de la Gironde.

Visites & événements particuliers

Plusieurs visites du centre par le procureur de la République, les juges des libertés et de la détention (JLD) et les juges du tribunal administratif. Il n’y a pas eu de visite de parlementaires en 2008.

À l’initiative de la Fédération de l’église reformée, les cercles de silence ont démarré à Bordeaux depuis le mois de mai. Au premier cercle de silence, des photos de centres de rétention ont été exposées.

Plusieurs rencontres ont eu lieu avec des étudiants sur le thème de l’enferment et de l’éloignement. La Cimade est intervenue auprès d’étudiants de l’IEP de Bordeaux avec l’ASTI et RESF puis auprès d’étudiants de l’école de la magistrature avec l’Institut de défense des étrangers (IDE), qui réunit des avocats spécialisés dans le droit des étrangers.

La réunion annuelle avec la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) a eu lieu le 9 octobre. Cette réunion a eu pour objectif de faire le bilan de l’année 2007. Dans son compte rendu (reçu le 5 janvier 2009), les intervenants du service médical, de l’Anaemet La Cimade ont été étonnés et déçus que des éléments importants ayant été soulevés n’apparaissent pas. Ensemble nous avons envisagé la possibilité d’envoyer un courrier commun à la DDASS pour leur faire part de notre étonnement mais dans un premier temps nous devions tous obtenir un accord de nos directions. Le 19 janvier, date de l’incendie, nous n’avions pas encore les réponses. Le projet de courrier commun n’a pas vu le jour. En particulier, le rapport ne fait pas mention :

Pour le service médical :

du menottage des personnes conduites à l’hôpital ;

d’un problème d’hygiène et des repas qui ne sont pas ramassés ;

de l’insuffisance de la quantité concernant les repas ;

du fait que leurs décisions sont trop souvent remises en cause par les services de police et du non-respect du secret médical.

Pour La Cimade :

Du rappel d’un événement grave en 2007 : le suicide d’un jeune marocain ;

de l’irrespect et du mauvais comportement de certains policiers vis-à-vis des personnes retenues ;

du regret que le règlement intérieur ne puisse pas être assoupli concernant la possibilité pour les personnes d’acheter du thé et du café ;

du regret que l’Anaem ne puisse pas aller au-delà de 150 euros pour les mandats.

Pour l’Anaem :

du mauvais comportement de certains policiers vis-à-vis des personnes ;

du regret de ne pas pouvoir acheter les produits de toilettes demandés par les personnes ;

du menottage systématique lorsque les personnes vont chercher leurs affaires personnelles où qu’elles sont amenées à la banque pour faire des retraits d’argent ;

du comportement agressif de certaines escortes.

BORDEAUX histoires de rétention / témoignages

M. T. a été présenté à son consulat. Il revient au centre abattu, il dit avoir été insulté, traité de “ connard et de chien” par son consulat.

M. E. qui apprend son départ lorsque l’escorte vient le chercher arrive à se cacher dans le faux plafond du CRA. Il y reste près d’une heure et demie, le temps que les policiers le trouvent et qu’ils arrivent à le faire descendre. Monsieur a dans la bouche plusieurs lames de rasoir et en avale une. Il est conduit à l’hôpital et est libéré quelques jours plus tard. Les jours suivants deux autres retenus avalent des lames de rasoir.

Mai : un policier crie sur un retenu car il demande le petit-déjeuner après 10 heures. Il explique qu’il est malade. Réponse du policier : « J’en ai rien à foutre ».

M. N., Camerounais, a été interpellé à l’aéroport. Il avait acheté un billet pour rentrer chez lui suite au décès d’un proche. Placé en rétention, il n’assistera pas aux obsèques.

Juin : témoignage de retenus concernant la violence d’une escorte lors d’un départ à 5 heures du matin.

Un retenu est amené au tribunal à 9h30. Il revient au CRA vers 16h30 et demande un repas car depuis le matin rien ne lui a été servi. Le policier en charge du CRA refuse et lui dit d’attendre le repas du soir.

Fin septembre : des retenus reçoivent des crachats de policiers. La cour du CRA, qui a un « plafond » grillagée, est placée en-dessous de celle où les policiers prennent une pause.

Un week-end de novembre : un retenu signifie à la police son souhait de faire une demande d’asile. Le policier lui demande d’attendre le lendemain de voir avec La Cimade et n’enregistre pas sa demande. Le lendemain, lorsque le monsieur fait part de sa demande, le délai des cinq jours est dépassé. La police aux frontières (PAF) est informée mais la préfecture ne fera pas de dérogation, le monsieur n’a que sa parole et cela ne suffit pas.

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CRA-Bordeaux

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