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Migrations et dette mondiale

Article publié dans le bulletin du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde

7 janvier 2007

Article publié dans le bulletin du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde. Il peut aider à comprendre la situation des migrants dans le monde

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MIGRATIONS ET DETTE

Même si les migrations ont aussi d’autres motivations, culturelles par exemple, elles sont essentiellement liées au modèle économique qui résulte de l’action des institutions financières internationales, par l’intermédiaire de la dette. Les migrations existent depuis l’aube de l’humanité et l’économie mondiale ne serait pas ce qu’elle est sans les migrations : migrations de peuplement d’abord, migration forcée de l’esclavage, migration « chair à canon », migration des travailleurs. Ce n’est qu’avec la récession économique mondiale que les migrations ont été considérées comme un problème. Selon l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « 1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat, 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » En 2005, le nombre de migrants atteindrait, dans le monde, 200 millions, soit 2 fois plus qu’il y a 25 ans mais à peine 3% de la population mondiale. Ce chiffre est en augmentation très rapide (82 millions en 1970, 175 millions en 2000), et plus rapide que celle de la population mondiale, ce qui signifie que le fait migratoire n’est pas lié à la seule démographie. La proportion de femmes a consi- dérablement augmenté ces dernières années, elles représentent actuellement 50% des migrants. Si 60% d’entre eux vivent dans les régions développées, 40% restent donc dans des régions peu développées ; cela signifie que « nous n’accueillons pas toute la misère du monde »… Les migrants se répartissent de la façon suivante :
- 56,1 millions vivent en Europe (y compris ex-bloc soviétique) ; ils représentent ainsi 7,7% de la population européenne
- 49 millions en Asie
- 40 millions en Amérique du nord, représentant 13% de la population
- 16 millions en Afrique, 6 millions en Amérique latine, 5,8 millions en Australie. Les principaux pays d’émigration sont la Chine (35 millions d’émigrants), l’Inde (20 millions) et les Philippines (7 millions). Les principaux pays d’accueil sont les Etats-Unis (20% des migrants du monde), la Fédération de Russie et l’Allemagne. « Officiellement, on distingue trois motifs de migrations : le regroupement familial, l’asile politique et le travail. Dans la pratique, les raisons familiales, économiques et politiques se mélangent souvent. Et il ne faut pas oublier que les populations les plus pauvres des pays les plus pauvres ne migrent pas car elles n’en ont pas les moyens. » Il faudrait ajouter un autre motif qui n’est pas encore reconnu comme une cause « officielle » de migration mais qui ne manquera pas de l’être, hélas, dans les années à venir : ce sont les causes écologiques.

Le regroupement familial C’est un droit stipulé dans l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’Etat ». L’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose pour sa part que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ». Ces personnes viennent donc rejoindre le plus souvent un membre de leur famille qui a migré pour une raison économique ou politique.

Les migrations pour motifs politiques Selon le HCR, le nombre de personnes déracinées a approché en 2005 les 21 millions. Au cours des 20 dernières années, c’est l’Afghanistan qui a produit le plus grand nombre de réfugiés et c’est l’Iran qui a accueilli le plus grand nombre de demandeurs d’asiles (4,5 millions), suivi par le Pakistan. Fin 2005, à eux deux, ces pays hébergeaient 1 réfugié sur 5 dans le monde. Beaucoup de demandeurs d’asiles viennent de pays en voie de développement et sont accueillis pour les 3/4 par d’autres pays en voie de développement. Le dernier rapport du HCR note une baisse de 14% des demandes d’asile dans les pays industrialisés par rapport à l’année dernière. L’Europe ne reçoit qu’1/3 des demandes d’asile, mais reste en tête des demandes dans les pays industrialisés, devant l’Amérique du Nord. Les demandeurs sont principalement originaires de Chine, d’Irak, de Serbie-Monténégro, de Russie, et de Turquie. Deux points à noter : on voit d’une part que ces demandeurs d’asile sont originaires de zones de conflits armés ou de dictatures et ne sont pas des migrants économiques comme les discours officiels voudraient nous le faire croire, et d’autre part on constate aussi qu’ils ne sont pas originaires des zones de conflits situés dans les régions les plus pauvres comme la République démocratique du Congo ou l’Angola. Disons le une fois encore, nous n’accueillons pas toute la misère du monde !

Le rapport du HCR signale une augmentation du nombre de « déplacés internes », personnes vivant dans des situations similaires à celles des réfugiés mais dans leur propre pays : 6,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leurs frontières nationales. La Colombie à elle seule compte 2 millions de déplacés. Et on pense bien entendu au Soudan, où fin 2005 le HCR dénombrait 842 000 déplacés. Il faut rappeler ici le soutien des Institutions financières internationales aux dictatures, que ce soit en Amérique latine (Argentine, Chili…) en Afrique (RDC) ou en Asie. En Indonésie, la Banque mondiale a soutenu le projet de transmigration de Suharto qui a déplacé plusieurs millions de personnes, provoquant d’irréversibles dégâts humains et écologiques.

Les migrations économiques Elles ont deux origines : la dégradation des conditions de vie et l’accroissement des inégalités entre le Nord et le Sud, toutes deux liées à la logique de la dette. Signalons par exemple que les 20% les plus riches possèdent 74% du revenu mondial tandis que les 20% les plus pauvres se partagent 2% du revenu mondial. On ne peut parler des migrations économiques sans évoquer le trafic des êtres humains, qui concernerait entre 700 000 et 2 millions de victimes et comprend les trafics de femmes et de mineurs, le proxénétisme ainsi que la traite de main d’oeuvre illégale. Il constituerait l’une des activités les plus rentables du crime organisé, avec des recettes appréciées à 12 milliards de dollars par an, trafic facilité bien entendu par le maintien des paradis fiscaux et du secret bancaire.

Les migrations écologiques L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se penchait récemment sur la question et estimait que « les migrations des réfugiés écologiques pourraient devenir l’un des plus grands défis démographiques du XXI siècle », avançant des chiffres de 25 millions de personnes concernées d’ici 2010. Parmi les dégradations de l’environnement qui génèrent des déplacements de population, on trouve la déforestation, la désertification et la pollution, qui sont le résultat, entre autre, d’une agriculture productiviste destinée à l’exportation. Certains dirigeants acceptent même les déchets toxiques des multinationales du Nord et empoisonnent ainsi l’avenir de leur population alors même que celle-ci est déjà privée des moyens de se soigner. Ensuite, il y a les catastrophes dites « naturelles » dont le nombre a augmenté car elles sont en partie liées au modèle de développement actuel. On constate qu’elles font plus de victimes et de dégâts dans les pays pauvres car ils sont privés des différents moyens de prévenir et de se protéger de ces évènements. Parmi les causes de déplacements, il y a aussi la construction de certaines infrastructures énergétiques (grands barrages, oéloducs…) qui sont des aberrations écologiques, financés bien souvent par la Banque mondiale. Ces désordres écologiques sont liés aux choix politico-économiques mondiaux. Ils sont aussi les révélateurs de l’échec de ce modèle néolibéral.

Conclusion L’évolution des migrations est pour l’essentiel liée au modèle économique néolibéral imposé au monde par les institutions financières internationales. Les migrants ont envoyé 167 milliards de dollars vers leurs pays d’origine en 2005, ce qui représente une fois et demie l’Aide publique au développement des pays les plus riches, au contour d’ailleurs discutable. Il faut annuler totalement et inconditionnellement la dette et mettre fin aux plans d’ajustement structurel afin de donner aux populations les moyens de se développer et de s’épanouir comme elles le désirent et là où elles le désirent. Notre propos n’est pas d’annuler la dette en vue de lutter contre les migrations que nous réaffirmons être un droit humain fondamental. Le phénomène migratoire est un thème sensible car il soulève des questions complexes identitaires et sociétales, et c’est la raison pour laquelle il est instrumentalisé par le personnel politique, en particulier à chaque campagne électorale. La trop fameuse « maîtrise des flux migratoires » sert de prétexte à des pratiques discriminatoires, xénophobes et racistes, mais ne tombons pas dans le piège : la convergence entre la mondialisation, la dette et l’accroissement des migrations doit nous amener à nous interroger en priorité sur la logique même de ce système économique.

ROSELINE PÉLUCHON ET VÉRONIQUE RACINE

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